Comment Theo Francken tente de provoquer une crise de l’accueil

C’est ce qu’on appelle du cynisme. Provoquer une crise de l’asile pour des raisons électorales, voilà la stratégie du Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Theo Francken. Il a décidé de limiter radicalement le nombre de réfugiés qui peuvent introduire une demande d’asile. « Un choix politique », selon le porte-parole de l’Office des Étrangers, qui estime que l’Office « pourrait en principe accepter plus » de demandeurs d’asile.

Ce 30 novembre au matin, une quarantaine de citoyens se sont rassemblés devant l’Office des Étrangers à l’appel d’Amitié Sans Frontières, un réseau de bénévoles qui servent un petit-déjeuner tous les vendredis devant l’Office des Étrangers. Car, depuis une semaine, beaucoup de demandeurs d’asile se retrouvent à la rue. La conséquence d’une décision de Theo Francken de décider de limiter à 50 par jour le nombre de personnes pouvant être enregistrées et accueillies. Pourtant, le nombre de réfugiés qui arrivent actuellement a diminué de moitié depuis novembre 2015.

Les citoyens rassemblés ce matin demandent la fin du quota décidé par Theo Francken, pour que la Belgique respecte ses obligations internationales et pour que le droit à l’accueil digne soit appliqué.

« Reviens demain »

« Reviens demain » : c’est la réponse que reçoivent des réfugiés qui veulent demander l’asile. Chaque jour, ils retentent leur chance devant la porte de l’Office des Étrangers, en faisant la file depuis 4h du matin. Chaque jour, on leur répond de revenir le lendemain, puis le surlendemain, puis encore le surlendemain…

Les bénévoles qui sont sur place témoignent. Riet Dhont : « La porte s’ouvre à 7h53. Mais seules les familles avec enfants qui viennent d’arriver peuvent entrer. Les autres sont tout simplement refoulés, comme ces deux jeunes de Gaza qui ont perdu leurs jambes, ou ces deux jeunes Camerounais qui attendent là depuis 5 jours. Un réfugié guinéen tente d’expliquer la situation aux travailleurs de l’Office des Étrangers. Mais les employés se sentent mal, ils n’ont pas d’autre choix que de fermer la porte à tout le monde. Puis la police arrive en nombre et demande aux gens d’aller dormir sous les arbres du parc Maximilien. Le désespoir grandit et l’hiver est bien là. Une situation indigne et absurde qu’on pourrait vraiment éviter… »

Une décision qui met la Belgique dans l’illégalité

Ce chaos aux odeurs de nouvelle crise humanitaire est très récent. Il fait suite à la décision prise il y a quelques jours par Theo Francken de ne plus enregistrer que 50 demandes d’asile par jour. Une décision qui met la Belgique dans l’illégalité. D’une part, au regard de la Convention de Genève : dans les différents pays qui l’ont ratifiée, chaque personne doit pouvoir demander l’asile et doit pouvoir être accueillie dans un centre (pendant la procédure d’examen de son dossier). D’autre part, au regard de la directive européenne « procédure1 » qui prévoit qu’une demande d’asile doit être enregistrée « au plus tard dans les 3 jours ouvrables suivant la demande ». Ni la loi belge, ni le droit de l’UE ne permettent par ailleurs de limiter le nombre quotidiens de demandes d’asile. En imposant ce quota artificiel, Theo Francken sait qu’il expose l’État à des nouvelles condamnations. Le secrétaire d’État le sait-il ? Bien sûr, il connaît la loi.

Une crise provoquée artificiellement

Theo Francken a fait fermer des milliers de places d’accueil ces derniers mois. Si bien que l’organisme FEDASIL (qui gère les centres d’accueil du pays) avait lui-même déjà averti qu’on se dirigeait vers une pénurie de places pour novembre… Theo Francken savait donc très bien qu’il était en train de créer une nouvelle crise humanitaire. Force est de constater que les décisions du secrétaire d’État ne sont pas guidées par le droit international, ni par les capacités du réseau d’accueil, et encore moins par les besoins humanitaires.

Selon les principaux acteurs associatifs et de terrain, elles sont le fruit d’une stratégie politicienne. Car, au moment où la N-VA tente de faire capoter la ratification du pacte migratoire de l’ONU et à l’approche des élections, Theo Francken a tout intérêt à prétendre que le pays est débordé par un nouvel afflux de réfugiés, malgré la réalité des chiffres. De quoi justifier un positionnement encore plus ferme et moins solidaire envers les autres pays et envers les gens qui fuient la guerre, la misère ou les conséquences catastrophiques du changement climatique. Plus globalement, les décisions du secrétaire d’État s’inscrivent dans la stratégie de son parti, la N-VA, de diviser la population à coup de polémiques médiatiques et sur les réseaux sociaux. Une stratégie qui vise à instiller la peur et à détourner l’attention des politiques antisociales que le gouvernement est en train d’imposer à l’ensemble de la population.

1 Art. 6, §1 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.

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