La petite Mawda était enterrée ce mercredi 30 mai, accompagnée par une marche blanche de près de 2000 personnes. La famille a introduit une demande de régularisation afin de pouvoir rester auprès de leur petite fille. Mais le Premier ministre préfère arrondir les angles avec ceux qui en profitent pour semer la division. La pression de la société civile sera donc bien nécessaire.
« En soutien à vous, jeunes parents, migrants, fuyant la misère, le désespoir, la violence, dans le seul souci de protéger vos enfants, de les sortir d’une vie impossible, de leur trouver quelque part un lieu, une place où grandir paisiblement. Mawda … Parce que cette petite fille ne peut pas partir seule dans l’indifférence des Belges que nous sommes. Ses parents nécessitent tout notre soutien car ils sont loin des leurs. Et dans un tel moment, parce que nous nous sentons si proches, que nous sommes si semblables à eux dans cette douleur infinie qu’est l’irrémédiable perte d’un enfant. Pas plus que nous n’oublierons jamais nos petites filles, nous ne t’oublierons jamais Mawda. Après, s’en suivra l’espoir, parce qu’il renaît toujours l’espoir. L’espoir d’un monde meilleur. Une meilleure vie, dans la dignité pour nos enfants. Il faut continuer de s’y atteler. » Voilà le message de Carine Russo, mère d’une des victimes de Marc Dutroux, pour rendre hommage aux parents de Mawda lors de l’enterrement de la petite ce mercredi 30 mai.
De nombreuses personnes sont ensuite allées saluer la famille de Mawda – son père, son petit frère de cinq ans et sa mère, visiblement encore sous le choc mais qui tenaient à remercier chaque personne pour le soutien apporté.
Une régularisation justifiée et légitime
La famille a introduit une demande de régularisation humanitaire afin de pouvoir rester auprès de la tombe de leur petite fille. La régularisation humanitaire est ce qu’on appelle une « compétence discrétionnaire » du secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, ce qui signifie que Theo Francken décide selon son bon vouloir si le motif humanitaire est valable ou non. Francken a cependant précisé que c’est le gouvernement dans son ensemble qui se concertera dans ce cas-ci.
Il est difficile d’imaginer comment la mort de sa petite fille de deux ans ne pourrait pas constituer un motif humanitaire suffisant pour pouvoir rester en Belgique. La Cour Européenne des Droits de l’Homme estime également que pouvoir visiter la tombe d’un membre de la famille entre dans le cadre de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme protégeant le « droit au respect de sa vie privée et familiale ». La N-VA et l’Open-VLD se sont cependant montrés peu enthousiastes à cette idée.
« Monsieur le Premier ministre, pour ce qui est de la régularisation, les parents ont à présent introduit une demande de régularisation sur base humanitaire. La décision revient au gouvernement. La soutenez-vous ? Oui ou non ? » demandait le parlementaire du PTB Marco Van Hees jeudi 31 mai au Parlement. Charles Michel a cependant choisi de pratiquer la langue de bois en affirmant que son « intention est de traiter cette question dans le plein respect des règles de l’État de droit et de la démocratie, conformément au cadre légal qui s’applique en Belgique ». « Si les parents de la petite Mawda n’obtiennent pas l’autorisation de séjourner en Belgique pour des raisons humanitaires, on peut se poser la question de savoir qui pourra l’obtenir », lui a répondu Marco Van Hees.
Le policier choqué par les accusations envers la famille
Il y a un peu plus d’une semaine, le président de la N-VA choquait beaucoup de gens en allant jusqu’à accuser la famille de porter une responsabilité dans la mort de leur petite fille. « Ils auraient du retourner vers leur pays d’origine, vers l’Irak » et ne pas tenter de se rendre au Royaume-Uni, affirmait notamment Bart De Wever. On pourrait pourtant se demander ce qu’il y aurait de « responsable » pour des parents de retourner avec leurs enfants de deux et cinq ans dans le chaos irakien.
Le policier qui a tiré s’est également dit choqué par les propos de De Wever et a tenu à s’en distancier à travers son avocat : « Il ne s’associe en rien à tout propos stigmatisant les migrants comme délinquants. Il a lui-même, malgré sa situation délicate, été profondément heurté que la responsabilité des parents soit envisagée dans un tel contexte. Au-delà du décès de Mawda, il est épouvantable que 28 personnes – à suivre la presse, se soient entassées dans une camionnette de transport de marchandises et aient été mises en danger dans le cadre d’une course-poursuite. La misère qui pousse ces personnes à vivre de telles situations ne peut qu’inspirer tristesse et compassion. C’est ce qu’a toujours ressenti cet homme, et c’est plus encore ce qu’il ressent aujourd’hui. Il se sent totalement dépassé par l’ampleur de ce drame et par la douleur des parents. Il ne sait comment réagir, tout simplement parce qu’il est impossible de bien réagir. Il tient en tout cas à le faire dans le respect des victimes et des migrants et avec humanité. » (Le Soir, 31 mai 2018)
Face à la politique consciente de la N-VA de déshumaniser des personnes qui fuient la guerre, la répression ou la misère comme les parents de Mawda, Charles Michel aurait pu prendre une position claire en exigeant que la famille puisse être régularisée.
Il préfère manifestement arrondir les angles avec ceux qui instrumentalisent la mort tragique d’une enfant de deux ans pour semer la division. Pour que cela change, la pression de la société civile sera nécessaire.
« Un enfant a été tué »
Peter Mertens, président du PTB, avait réagi aux propos de De Wever et consorts (voir ci-dessous). Il a également cosigné une carte blanche à l’initiative la Ligue des droits de l’Homme et son équivalent néerlandophone : « Est-ce qu’un être humain est encore un être humain ? »
« Un enfant a été tué. D’une balle. Avant même que l’enfant soit enterré, des hommes en colère et en costumes chics pointent du doigt les parents. Les gens qui fuient les balles et la guerre. Un enfant a été tué. Un enfant humain. Il n’est pas encore enterré, mais le chef des doigts en colère a déjà transformé les victimes en coupables.
Un enfant a été tué. Et avec elle aussi l’humanité. L’enfant n’avait pas le droit d’être là. Les parents n’avaient pas le droit d’être là. Tout comme le citoyen sans titre de séjour, qui a été percuté par un bus, n’aurait pas dû se trouver là. Les réfugiés, ils n’ont pas le droit d’être là. Et parce qu’ils n’ont pas le droit d’être là, on pointe des doigt fâchés sur eux. Par sur les guerres, sur les interventions militaires, ni sur les livraisons d’armes, le soutien aux régimes pétroliers les plus dictatoriaux, ni à la destruction du climat et aux sécheresses impossibles. Mais bien sur eux.
Les Droits de l’homme « évoluent », affirment les doigts en colère. Ils veulent dire par là que les Droits de l’homme ne sont pas faits pour ceux qui n’ont pas le droit d’être là.
Un enfant a été tué. La balle a été perdue. L’ambulance appelée trop tard. Les parents menottés. Un enfant a été tué. Et avec elle aussi l’humanité. Il ne s’agit pas de l’agent. Il s’agit de ceux qui ont lancé cette campagne et tué l’humanité. J’accuse, chers amis, les tueurs de l’humanité. #NoPasarán »