Arrestation de sans-papiers à Globe Aroma : une ligne rouge a été franchie

Vendredi soir 9 février. Des policiers débarquent en force dans le centre culturel Globe Aroma à Bruxelles dans le cadre d’un contrôle multidisciplinaire. Sept personnes qui ne peuvent pas présenter de titre de séjour valide sont arrêtées. L’indignation est très forte dans le secteur culturel qui estime qu’ici, une limite a été franchie et que tout le milieu associatif est menacé.

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Auteure : Riet Dhont

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Globe Aroma est un havre pour les artistes belges, réfugiés et nouveaux arrivants. Ils se rencontrent et peuvent travailler dans un atelier artistique ouvert avec un espace d’exposition, des studios, etc. Globe Aroma reçoit des subsides de la Ville de Bruxelles, de la Commission communautaire flamande et de la Région bruxelloise. Il s’agit donc d’une association socio-artistique reconnue.

Le soir du 9 février, des inspecteurs sociaux débarquent au Globe Aroma dans le cadre d’un enquête sur la fraude sociale et sur de possibles formes de radicalisation et de terrorisme. Mais ceux-ci sont accompagnés de dix agents de la police fédérale qui, un peu plus tard reçoivent encore du renfort de dix policiers de la zone de Bruxelles. Lors de ce qui s’avère une brutale démonstration de force, toutes les personnes présentes sont contrôlées. Sept personnes ne peuvent pas présenter de titre de séjour valide et sont arrêtées. Parmi celles-ci, un artiste qui participe à l’exposition « Carte de Visite » organisée par la Ville de Bruxelles.

Els Rochette, la directrice artistique de Globe Aroma, est sous le choc et extrêmement indignée : « Nous sommes un centre ouvert, un lieu où des nouveaux arrivants, des réfugiés, des gens d’ici et d’ailleurs, et bien sûr de nombreux Belges, sont les bienvenus. Nous ne demandons pas aux gens leurs papiers, nous ne sommes pas des contrôleurs. Notre maison est un havre où tout le monde se sent bien et en sécurité, du moins c’était le cas jusque vendredi dernier. »

Le centre culturel a immédiatement reçu le soutien du secteur culturel et associatif. Johan Leman, directeur du centre de formation De Foyer, écrit dans De Morgen du 12 février : « Cette organisation reçoit des subsides et elle a donc déjà été très sérieusement contrôlée. Mais cette fois, il y a eu une descente non seulement d’inspecteurs sociaux mais aussi d’un corps de police pour arrêter des gens en séjour irrégulier. »

Où peut-on encore se sentir en sécurité ?

Cette descente au Globe Aroma n’est par ailleurs pas un cas isolé. Tom Flachet, professeur au club de boxe BBA à Bruxelles, raconte : « Ces contrôles dans le secteur social et sportif ont lieu déjà depuis un moment. Aux yeux du gouvernement et du ministre de l’Intérieur Jan Jambon, ceci fait partie du fameux Plan Canal censé lutter contre le terrorisme et la radicalisation. Ils recherchent des organisations qui aident éventuellement d’une manière ou d’une autre des jeunes qui sont radicalisés. Ils ont ainsi aussi débarqué chez nous pendant qu’on donnait cours à des enfants de 6 à 8 ans. D’abord c’est l’inspection sociale qui est arrivée, des hommes en civil. Quand ils ont vu qu’un des moniteurs n’avait pas sa carte d’identité, ils ont appelé la police qui a déboulé pour contrôler tout le monde. Le moniteur a été menacé : « Si tu n’as pas tes papiers, on peut t’arrêter et tu va perdre ton boulot. » Tout ça en présence des enfants. »

Le club de boxe est hébergé par l’Athénée royal de Bruxelles. Une enseignante témoigne : « Quand il y a eu ce contrôle, il y a quelques semaines, nos élèves étaient également présents. Certains d’entre eux n’ont pas de papiers. Une élève arménienne dont la famille est menacée d’expulsion était terrifiée. Pour elle, c’en était trop : où peut-elle encore se sentir en sécurité ? »

Une limite a été franchie

Des descentes de police ont lieu dans des clubs de sport qui travaillent avec des enfants et des jeunes de quartiers défavorisés, dans des associations qui tentent de réintégrer des personnes dans le monde du travail, dans des centres culturels où de nouveaux arrivants, des réfugiés et gens sans papiers se sentent chez eux. Tous ces lieux œuvrent, à leur petite échelle, à pallier les manques de la politique d’intégration et à accompagner des personnes exclues par la société.

Pour les directions d’entre autres le Théâtre national, le Théâtre royal flamand, le Kaaitheater, la Zinnekeparade, une ligne rouge a été franchie. Dans le journal De Standaard du 12 février, elles écrivent : « La rafle au Globe Aroma n’est pas un détail. Si les nombreuses modestes solutions à la problématique de l’intégration sont désormais considérées comme un problème et sont dans la ligne de mire, nous touchons à une frontière essentielle : celle entre les droits humains de base comme l’épanouissement culturel et la violence aveugle d’État. Quand des gens qui font du théâtre ou du fitness sont dans le viseur, la limité est dépassée. »

Quel milieu associatif voulons-nous ?

Le monde associatif se sent menacé. C’est en effet l’essence de la mission des associations est ébranlée. Johan Leman écrit : « Nous devons réfléchir au type d’associations nous voulons. Voulons-nous des lieux où nous devons d’abord demander aux gens de montrer leurs papiers d’identité et de signer un formulaire avant de pouvoir les aider ? Ce n’est pas ce que je souhaite dans une démocratie. Il existe désormais une tendance à ne plus respecter le travail associatif. Or quand on s’en prend à des associations aux idées divergentes de celles du pouvoir en place et qu’on veut uniquement un milieu associatif sous le contrôle de celui-ci, cela sent le pré-fascisme. La prochaine étape sera de serrer la vis encore plus fort. »

C’est aussi ce qu’écrit Robrecht Vanderbeeken, responsable syndical à la CGSP Culture de Bruxelles, dans sa carte blanche parue dans dans De Wereld Morgen du 14 février : « Cette rafle est une provocation qui fait partie d’une campagne plus large pour casser l’engagement des plateformes citoyennes et des organisations… Il ne s’agit pas d’un contrôle arbitraire mais d’une intimidation délibérée. Le but : créer le choc et la peur. Cela ne plaît évidemment pas à la N-VA que de plus en plus de citoyens ordinaires prennent l’initiative de se montrer solidaires de gens dans le besoin, par exemple au Parc Maximilien. Globe Aroma œuvre à travailler en confiance avec un groupe de personnes particulièrement vulnérables et c’est possible uniquement en créant un contexte sûr. Pour Jambon, dans le cadre de son opération de nettoyage Plan Canal, il fallait casser cela. »

Robrecht Vanderbeeken conclut en lançant un appel : « La meilleure réponse à cette politique d’intimidation de la nouvelle droite, c’est que les travailleurs du secteur culturel et d’autres ouvrent encore bien plus grand leur porte et s’engagent encore plus. Au moins, s’ils veulent fermer les frontières, nous, nous ouvrons nos portes. »

Ce samedi 17 février, Globe Aroma organise une après-midi d’action en réaction à la rafle de la semaine dernière. Lire le programme ici.

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