L’enquête sur les tortures au Soudan : l’enfumage du gouvernement

Le rapport sur les expulsions des migrants au Soudan a été publié aujourd’hui. L’enquête réalisée, dans un délai beaucoup trop court, n’a pu apporter aucune certitude sur ce qui s’est passé avec les personnes renvoyées au Soudan. Le rapport confirme cependant que le gouvernement a renvoyé des Soudanais sans vérifier s’ils risquaient la torture.

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Auteur : Max Vancauwenberge

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Le rapport réalisé par le Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides (le CGRA) confirme qu’il peut y avoir un risque réel de torture en cas d’expulsion, même en l’absence de toute demandé l’asile, en particulier dans un pays comme le Soudan où le respect des droits de l’homme est particulièrement problématique. Le 26 septembre dernier, le Premier ministre Charles Michel garantissait d’ailleurs que l’Office des Étrangers « analyse le risque éventuel d’une violation de l’article 3 de la CEDH, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants ».

Or, l’enquête indique d’une part que les Soudanais renvoyés de force « ont fait savoir […] qu’elles courraient un risque en cas de retour » mais également que « le fait de ne pas introduire de demande d’asile [a été] considéré comme une indication de l’absence de risque réel » par l’Office des Étrangers, qui n’a alors pas examiné les motifs invoqués. Les propos du secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken montrent qu’il s’agit d’un choix conscient : « Il appartient à l’étranger lui-même de démontrer qu’il risque d’être torturé. Il ne peut le faire qu’en demandant l’asile et en faisant examiner ses craintes objectivement. En ce qui me concerne, celui qui refuse une telle enquête laisse entendre implicitement qu’il n’a rien à craindre en cas de retour. »1

Le rapport du CGRA confirme donc ce que les associations de terrain et l’opposition disent depuis le début, à savoir que le gouvernement viole l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme en renvoyant des gens dans des pays qui pratiquent la torture sans évaluer ce risque.

‘Un gadget pour évacuer le débat’

Même si le Commissaire général, Dirk Van den Bulck, affirme avoir des doutes quant aux témoignages des Soudanais torturés à leur retour, le rapport indique que « le CGRA n’a pas pu déterminer clairement ou avec certitude si les faits cités dans la note de l’Institut Tahrir se sont effectivement produits. Il ne dispose pas de preuves que ces faits ont réellement eu lieu. Il n’est pas non plus possible de déterminer avec certitude que les faits cités ne se sont pas produits. »

« Il faudrait un an de travail au moins pour faire la lumière, il faudrait mobiliser la diplomatie, beaucoup de moyens et d’expertise. […] cette enquête est un gadget, on a trouvé ça pour essayer d’éteindre la polémique et évacuer le débat. » affirmait le politologue de l’université de Gand Carl Devos (Le Soir, 3 janvier 2018). Même son de cloche du côté de Amnesty : « Dans des pays comme le Soudan, il est particulièrement difficile de rassembler des témoignages et de les vérifier », affirmait quant à lui Wies De Graeve, directeur van Amnesty International Vlaanderen (De Morgen, 4 janvier 2018). La mission donnée au CGRA par le gouvernement de réaliser cette enquête en moins d’un mois était donc d’avance vouée à l’échec pour arriver à de réelles conclusions.

Stop au ‘torture deals’

Le gouvernement tente d’instrumentaliser le rapport du CGRA pour faire croire à la population que les personnes renvoyées n’ont pas été torturées et que la Convention européenne des Droits de l’Homme a été respectée. Or, le rapport indique d’une part ne pas avoir pu déterminer avec certitude si les personnes renvoyées ont été torturées, et d’autre part que le gouvernement n’a pas respecté la Convention européenne des Droits de l’Homme en renvoyant des gens sans évaluer le risque de torture au prétexte que ces personnes ne demandent pas l’asile.

Si ces personnes n’osent pas déposer de demande d’asile, c’est à cause du règlement Dublin qui prévoit de renvoyer ces personnes en Italie. Le règlement Dublin prévoit en effet que c’est le premier pays européen par lequel entre un réfugié qui est responsable de sa demande d’asile. Le règlement Dublin est donc à revoir au niveau européen afin d’aller vers un système solidaire de répartition des réfugiés au niveau européen. En attendant, la Belgique peut légalement ne pas appliquer ce règlement et permettre aux réfugiés soudanais de déposer leur demande d’asile.

La Convention européenne des Droits de l’Homme doit être une pierre angulaire de la politique d’asile. Aucune personne ne doit être renvoyée alors qu’elle risque la torture dans son pays et il doit être mis fin aux ‘torture deals’ avec des dictateurs comme Omar el-Bechir qui se trouvent alors implicitement soutenu par la Belgique et l’Union européenne pour rester au pouvoir.

1Nieuw-Vlaams magazine, januari 2018

 

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