« Abandonnés par l’UE, des milliers de réfugiés risquent de mourir de froid » dénonce Amnesty International, qui exhorte le président de la Commission Jean-Claude Juncker à réagir. C’est en effet surtout de la froide politique européenne que souffrent les réfugiés en Grèce et dans les Balkans, où des hommes, femmes et enfants doivent loger sous des tentes couvertes de neige à des températures inférieures à 0.
Auteur Max Vancauwenberge
« Les gens sont frigorifiés »
« Nous sommes extrêmement inquiets de la situation d’environ 1000 personnes, dont des familles avec de jeunes enfants, qui continuent de vivre dans des tentes et des dortoirs non chauffés à Samos (une des îles grecques où sont retenus les réfugiés, NdlR) »1 explique l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Depuis l’accord avec la Turquie en mars 2016, chaque réfugié qui arrive en Grèce depuis la Turquie est immédiatement transféré dans un « hotspot » sur l’une des îles grecques. En principe, chaque réfugié y arrivant devrait y être enregistré avant d’être renvoyé en Turquie. Mais ces hotspots sont bondés et ne fonctionnent pas. En cause : un manque d’effectifs et de compétences. La semaine passée, le ministre de la Migration grec Ioannis Mouzalas reconnaissait que « la situation dans les hotspots est très mauvaise » et que « les conditions d’accueil y sont horribles ».2
En Grèce continentale aussi, de nombreux réfugiés sont laissés dans le froid. « Sur le continent, dans le Nord du pays, des camps ont été installés dans des entrepôts. Les autorités affirment que ces sites ont été adaptés aux conditions hivernales, mais ce n’est pas le cas. Il a fait -6°C la nuit dernière, les toilettes et les douches « de festival » installées à l’extérieur sont inutilisables et le système de chauffage de l’entrepôt ne marche pas. Les gens sont frigorifiés. »3 expliquait récemment Médecins Sans Frontières.
De plus en plus de réfugiés tentent de fuir la Grèce en passant par les Balkans. « La situation en Grèce est tellement catastrophique qu’on ne peut pas rester là en tant que demandeur d’asile »4, explique un réfugié afghan qui a dû faire appel à des passeurs pour quitter la Grèce mais se retrouve à présent coincé en Serbie. La Serbie n’enregistre que peu de demandes d’asile par jour et laisse les réfugiés à leur propre sort, même lorsque la température descend jusqu’à -16°. À Belgrade, hommes, femmes et enfants se retrouvent obligés de dormir sur un bout de carton autour d’un feu, dans un hangar. Ils sont près d’un millier à être coincés depuis plusieurs semaines dans la capitale serbe.5 En dehors de la capitale, des réfugiés sont obligés de rester dormir dans la forêt, sous des bâches en plastique. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés se dit en effet très préoccupée par les « informations indiquant que les autorités de tous les pays situés le long de la route des Balkans occidentaux continuent de refouler des réfugiés et des migrants de l’intérieur de leurs territoires vers les pays voisins. » Des réfugiés ont été victimes de violences policières, se sont fait confisqués leurs téléphones et des vêtements.
Amnesty et les Nations Unies prient l’UE de réagir
« En général, ces gens vivent dans des conditions insalubres, sont mal habillés, affamés et n’ont pas les moyens de se laver, explique Vasiliki Armeniakou, coordinateur médical de MSF. Beaucoup présentent des lésions musculaires et osseuses, des douleurs corporelles sévères, des coupures, des ecchymoses et des engelures dues à ces longues journées de marche ou de course à travers la forêt. »6 D’autres, trop longtemps exposés au froid, tombent en hypothermie. Phases d’amnésie, apathie, difficultés d’élocution et troubles du jugement en sont les premières conséquences. Votre esprit fonctionne de plus en plus au ralenti et vous devenez de moins en moins capable de parler. Vous finissez par tomber dans le coma. Votre cœur ralentit et finit par s’arrêter. Plusieurs réfugiés sont ainsi déjà décédés cette année en Europe. Morts de froid, lentement, le long de la route.
C’est pourquoi l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés ainsi qu’Amnesty International prie la Commission et les États européens de réagir pour sauver des vies. Mais la situation des réfugiés sur les îles grecques et en Grèce continentale préoccupe peu la Commission. Les États membres avaient en effet décidé, en septembre 2015, d’aider la Grèce en accueillant une partie de ses réfugiés. C’est le dispositif dit de relocalisation. Seulement, plus d’une année plus tard, seuls 5776 réfugiés sur les 63302 promis ont effectivement été relocalisés.7 Soit à peine 9 %.
Actuellement, loin de vouloir aider les réfugiés coincés en Grèce, l’UE veut au contraire au plus vite faire respecter le système dit de Dublin. Ce système européen veut que l’État où le réfugié est entré pour la première fois en Europe soit responsable de l’accueillir. Les États européens veulent ainsi en priorité renvoyer en Grèce tous les réfugiés dont nous avons la preuve qu’ils sont passés par la Grèce.
Francken retire le personnel belge de Grèce mais y renvoie les réfugiés
Le mois passé, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Theo Francken affirmait qu’il avait rappelé le personnel belge envoyé sur les îles grecques car leur sécurité ne pouvait plus y être assurée. Il admet ainsi que les réfugiés y sont laissés dans le chaos.
Mais loin de vouloir apporter une réponse à cette urgence humanitaire, Francken veut également accélérer les transferts de réfugiés vers la Grèce, alors même que, jusqu’à présent, seulement 177 personnes ont été relocalisées depuis la Grèce vers la Belgique sur les 2 415 décidées au niveau européen. « Il est essentiel de pouvoir relancer au plus vite les transferts vers la Grèce. C’est la seule manière de faire comprendre clairement au candidat-demandeur d’asile qu’il ne peut pas choisir lui-même le pays d’asile »8, affirme Francken. Hors de question pour lui qu’un réfugié tente de rejoindre un pays où il ne risque pas de mourir de froid.
Envoyez un mail au président de la Commission
Amnesty International a lancé une campagne de mails à envoyer au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. « Ils sont livrés à eux-mêmes dans le froid aux portes de l’Europe. Quel genre de société traite les gens ainsi ? Depuis l’entrée en vigueur de l’accord UE-Turquie en mars dernier, les dirigeants européens ont entassé des demandeurs d’asile sur les îles grecques, espérant les renvoyer en Turquie où ils prétendent que les droits de ces personnes seront respectés. Mais ces renvois ne se sont pas déroulés comme les dirigeants l’avaient prévu, entraînant une surpopulation des camps, exacerbant les inquiétudes et anéantissant tout espoir. » peut-on lire sur le site de l’ONG.
Vous aussi, envoyez un mail au président de la Commission afin de donner la priorité aux vies humaines et d’engager les gouvernements des États européens à transférer les réfugiés bloqués sur les îles grecques. Cliquez ici pour envoyer le mail.
- HCR, « La vague de froid en Europe met les réfugiés et les migrants en grand danger », 13 janvier 2017
- The Guardian, 13 janvier 2017
- La Libre, 10 janvier 2017
- http://msf-azg.be/fr/les-autorit%C3%A9s-serbes-et-les-%C3%A9tats-membres-de-l%E2%80%99ue-doivent-fournir-aide-et-protection-aux-r%C3%A9fugi%C3%A9s
- Het Laatste Nieuws, 13 janvier 2017
- http://msf-azg.be/fr/les-autorit%C3%A9s-serbes-et-les-%C3%A9tats-membres-de-l%E2%80%99ue-doivent-fournir-aide-et-protection-aux-r%C3%A9fugi%C3%A9s
- Chiffres de la Commission européenne, à la date du 8 novembre 2016
- Note de politique générale, 27 octobre 2016