Amitiés sans Frontières : « Soutenir les initiatives de solidarité dans toutes les communes »

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Riet Dhont est la responsable du groupe de travail du PTB « Amitiés sans frontières ». Depuis quatre semaines, elle se rend au Parc Maximilien, en face de l’Office des Etrangers, pour soutenir les réfugiés qui y ont trouvé un abri de fortune. Elle a vu se développer un immense élan de solidarité. Ce sont désormais des milliers de personnes qui apportent leur aide. Riet Dhont veut étendre ce mouvement à toute la Belgique.

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Auteur : Axel Bernard

Pour Riet Dhont, le secrétaire d’Etat Theo Francken et le gouvernement sont responsables d’avoir créé un crise de l’accueil des réfugiés : « Un exemple très concret : le gouvernement a dû rouvrir le centre d’accueil de Woluwe-Saint-Pierre, alors que son directeur avait été contraint de le fermer en juillet 2015. C’était un centre opérationnel, tout y fonctionnait très bien. On l’a délibérément fermé malgré l’explosion de la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale… »

Vous êtes très dure par rapport au gouvernement…

Riet Dhont. Je pense que c’est Francken qui a créé le chaos devant l’Office des Etrangers en imposant un maximum de 250 personnes qui peuvent enregistrer leur demande d’asile par jour. Les autres reçoivent un papier leur précisant de revenir le lendemain ou le surlendemain. Les gens sont alors dans la rue et ils ne savent pas où aller. Lundi, des réfugiés ont reçu un papier leur demandant de revenir le jeudi, soit 3 jours plus tard ! Trois jours durant lesquels ils sont bien obligés de vivre dans la rue.

Il y a aussi beaucoup de solidarité qui se manifeste ?

Riet Dhont. Une assemblée citoyenne s’est réunie le week-end dernier avec plus de 1 000 personnes qui veulent soutenir les réfugiés. A côté des grandes organisations comme Médecins du Monde, Médecins sans frontières ou le Samu social, des habitants viennent quotidiennement, des citoyens de toute origine gèrent le camp, apportent des dons, préparent à manger.

Quel est le travail d’Amitiés sans frontières ?

Riet Dhont. Avec Amitiés sans frontières, nous avons commencé il y a 4 semaines. Les réfugiés viennent à partir de 5 heures du matin pour être parmi les 250 premières personnes qui seront enregistrées à l’Office des Etrangers. On a commencé à distribuer un petit-déjeuner à tout le monde tous les vendredis. Comme les besoins ont grandi, nous venons désormais le lundi, le mercredi et le vendredi. Des gens de tout horizon viennent nous aider. Lundi matin, des étudiants du kot Oxfam de Louvain-la-Neuve se sont joints à nous, ils avaient préparé 600 sandwichs.

Il y a beaucoup de gestes comme cela ?

Riet Dhont. Enormément. Par exemple, ce matin, un coiffeur m’a téléphoné : il proposait de couper les cheveux des gens gratuitement. Et vendredi dernier, une délégation du département Economie, Wetenschap en Innovatie (économie, science et innovation, NdlR) de l’administration flamande est venue s’enquérir de ce qu’ils pouvaient faire. Le responsable m’a expliqué qu’il passait tous les jours devant le camp et qu’il ne pouvait plus accepter une telle situation. Ils ont mis à disposition le hangar de leurs bureaux pour stocker notre matériel, les tables, et il y a un très grand frigo pour les yaourts. Ils ont aussi offert des taques de gaz pour faire à manger… Et ils ont envoyé un mail à tout leur personnel pour leur proposer de soutenir les initiatives locales de solidarité avec les réfugiés, dans leur commune propre. Je leur ai directement envoyé la liste des centres d’accueil pour réfugiés qui existent en Belgique ainsi que le manuel Comment travailler dans sa commune pour créer la solidarité avec les réfugiés édité par Amitiés sans frontières ! (Rires.)

On commence à voir se manifester une solidarité similaire partout en Belgique…

Riet Dhont. Oui, et Tournai est un bel exemple de comment on peut organiser la solidarité dans une commune. Là-bas, ce centre de 700 places a suscité la polémique suite aux déclarations malheureuses de Rudy Demotte. Des habitants ont alors lancé l’idée d’avoir un parrain ou une marraine pour chaque réfugié. Lors de plusieurs assemblées de la population, ils ont organisé ce lien entre un habitant et un réfugié. Avec Amitiés sans frontières, nous voulons travailler sur base de cet exemple. Avec deux axes de travail. Le premier axe est concret, celui de la solidarité, comme avec la distribution de nos petits-déjeuners, les parrainages ou des permanences sociales et juridiques, avec notamment des étudiants en droit ou futurs assistants sociaux. Il y a un énorme besoin pour les réfugiés d’être accompagné, d’être aidé dans leurs démarches, qu’on leur traduise les documents qu’ils reçoivent… J’ai rencontré ce matin un jeune Irakien de 15 ans ; il a rejoint son frère qui habite à Anvers. Ce dernier a peur pour son petit frère qui est malade et a besoin de soins médicaux. Il a peur qu’il soit mis dans un centre loin d’Anvers et qu’il ne puisse pas être près de lui. Une amie l’a aidé pour les démarches et elle est devenue la marraine de ce garçon.

Le deuxième axe ?

Riet Dhont. L’autre axe, c’est celui de la sensibilisation de la population, dans les communes et les villes où les réfugiés vont arriver. Nous voulons par exemple organiser des soirées d’information pour répondre à toutes les questions que se pose la population. D’où viennent les réfugiés ? Quels sont réellement leurs droits ? Est-ce qu’ils menacent nos droits sociaux ? Quels sont les plans du gouvernement ? Comment répondre à la crise de l’accueil alors qu’il n’y a pas assez de logements sociaux ? Ces soirées d’information sont importantes pour nous. Ce sera l’occasion pour tous les habitants de demander tout ce qu’ils n’ont jamais osé demander. Des réfugiés peuvent aussi venir dans les écoles ou dans des associations pour expliquer aux enfants ce qui les ont poussé à fuir.

Un accueil chaleureux a été réservé le 1er septembre aux premiers réfugiés arrivés à Tournai. De nombreux bénévoles se sont organisés depuis plusieurs semaines afin de rassembler des jouets pour les enfants, des vêtements, d’installer les lits… Un comité d’accueil leur a souhaité la « bienvenue à Tournai » avec des gâteaux, du thé, des fleurs. (Photo Christian Printz)
Riet Dhont (au centre), lors d’une distribution d’un petit-déjeuner au parc Maximilien. Photo : Bruno Bauwens

« On fabrique la peur délibérément »

Photo : Bruno Bauwens

Aurait-on pu prévoir cette crise ?

Riet Dhont. Elle était tout à fait prévisible. En Syrie, la guerre fait rage depuis quatre ans ; en Irak, depuis vingt ans. En Libye, c’est le chaos. Ce matin encore, j’ai rencontré une famille palestinienne qui habitait en Libye mais qui a dû la quitter face au chaos qui y règne. Un chaos créé par l’Occident, d’ailleurs. Toutes ces guerres existaient depuis longtemps et la situation dans les camps de réfugiés en Turquie (2 millions de réfugiés), en Jordanie (près d’un million) ou au Liban (1,2 million) devenait intenable. On pouvait donc prévoir cette crise. Mais, jusqu’en juillet dernier, le gouvernement belge a fermé des places d’accueil. Et cela ne date pas d’hier. Le gouvernement Di Rupo en a fermé 6000, via la secrétaire d’État Maggie De Block qui se vantait des économies qu’elle réalisait dans son budget. Francken a continué en supprimant 2 300 puis 2 600 places pour l’accueil des réfugiés.

Comment en est-on arrivé à un tel chaos devant l’Office des Etrangers ?

Riet Dhont. Pour moi, le gouvernement veut créer une atmosphère qui incite à penser que « nous sommes envahis », que « toute la misère du monde » atterrit devant l’Office des Etrangers, qu’on va être débordé… On fabrique la peur délibérément, ainsi que l’idée que l’arrivée de ces réfugiés, c’est « trop ».

Y avait-il des solutions ?

Riet Dhont. Cela fait 10 jours que nous disons qu’un enregistrement simple de la demande d’asile d’un réfugié peut être effectué, et qu’il y a 1 million de mètres carrés de bureaux qui sont vides pour les accueillir. J’ai personnellement interpellé Théo Francken en lui disant « Regardez autour de l’Office des Etrangers, près de la Garde du Nord de Bruxelles, le nombre d’espaces vides ! » Il aura fallu 10 jours pour qu’il ouvre un local de 500 personnes à côté.

Francken veut des excuses car il a offert un accueil de base dans cet immeuble de bureaux près de l’Office des Etrangers, mais seules 14 personnes y ont passé la nuit. Qu’en pensez-vous ?

Riet Dhont. Qu’est-ce qu’il veut dire ? Que les réfugiés sont ingrats ? Francken doit peut être aller voir sur place. Ils ne reçoivent qu’un papier qui ne donne aucune information pratique. L’accès à ce bâtiment n’est possible que la nuit, seul l’hébergement (un lit) est assuré, il n’y a ni nourriture ni moyens de se laver. Doivent-ils abandonner leur tente et leurs affaires ? Et, ensuite, pendant la journée, que faire, rester dans la rue ? Non, leur solution est alors de retourner dans le camp. Alors, pourquoi le quitter ? En plus, le dortoir apparaît inhospitalier par rapport à ce que les citoyens ont réussi à créer avec le camp de tentes du Parc Maximilien. C’est une tout autre ambiance. Des sanitaires ont été installés, des citoyens viennent apporter à manger, et même une petite école a été mise sur pied pour les enfants.

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